Nombre total de pages vues

jeudi 22 septembre 2011

Messieurs les gouvernants : « Un crédit vous engage et doit être remboursé »

                                                                                             Mercredi 22 septembre, 22h08

CHÔMAGE, PRÉCARITÉ, FIN DE LA CROISSANCE, DETTE, RECAPITALISATION DES BANQUES, FAILLITE DES BANQUES, DES ÉTATS, CRISES SYSTÉMIQUE GLOBALE, FIN DU CAPITALISME, IMPLOSION DE L'EURO, FIN DE L'EUROPE. 

C'est la fin du monde ! Le système va imploser ! Le plouc moyen se chie dans le froc chaque fois qu'il regarde le journal télévisé. Quid de notre petit confort ? De l'avenir de nos enfants ? Comment va-t-on faire pour acheter le prochain i-pod ? Payer notre abonnement Internet ? Pour le chauffage l'hiver ? L'essence, les assurances, les factures, la mutuelle, les lunettes, les dents ? Finis les pulls en Cachemire ? Les fringues de marque ? Qui paiera ? La merde... On nous parle d'économie comme de la météo : et il fait froid. Temps de merde sur l'Occident. Nous sommes les jouets d'un système qui nous échappe, et qu'on finance. La vilaine crise est là, sortie de nulle part, de partout : tous coupables, la France vivait au-dessus de ses moyens, la faute à Pierre, Paul, Jacques, aux Chinois, au FMI, aux étrangers, aux Conti, à Sarko, à Strauss-Khan, à vous, à moi, à lui (à lui surtout). Demain, un cyclone financier arrive à l'ouest et va vous emporter : veuillez fermer vos fenêtres et serrer les fesses. Les Indiens font des Tata, les Chinetocs se fendent la poire. Oui, ok, bon, mais... Quelque chose m'échappe dans l'actualité, et me laisse un goût étrange dans la bouche : amère, mais pas comme les oranges. Quelque chose comme un goût de merde, un genre de sentiment de foutage de gueule généralisé, qu'on nous prend pour des cons : moi ! un con ! Vous ! Non ! Tous ces chiffres, ces milliards, tous les soirs, qui virevoltent, au vingt heures, pendant la grande messe, comme la fumée d'encens des églises, et moi, ivre des vapeurs, du vin du calice. Je titube, je tombe. Ma tête raisonne en touchant le plancher : No Futur. Et puis je me relève, assommé. Je repense à mon métier de merde, au monde. Je me rechie dans le froc : ça pue. Alors en bon petit plouc que je suis, je m'assieds derrière mon clavier et je tapote sur mon blog de merde, tout énervé. Voici comment la chose se présente (c'est décousu, attention) :

Le 9 juin 2009, Bernard Madoff a été condamné à cent cinquante ans de prison pour escroquerie financière à grande échelle (je sais, ça n'a rien à voir en apparence, mais en fait si, il faut me suivre jusqu'au bout). Le 5 octobre 2010, Jérôme Kerviel a été condamné à cinq ans de prison et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts pour « faux, usage de faux, abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique » (non, il n'a pas tué le Christ, juste baisé sa banque). Vous le constatez comme moi, les sanctions qu'on inflige aux petits enculés qui essayent de baiser les riches ou les banques sont à la hauteur de leur faute. Cent cinquante ans de prison, quatre milliards d'euros : ils ont du avoir mal au cul quand c'est tombé. Ils l'ont eue bien profonde. Et bah ils l'ont cherché. Et ils peuvent s'estimer heureux qu'on ne les fouette pas en place publique. C'est vrai, bordel, c'est important de protéger les riches et les banques. On déconne pas avec ça.

Depuis le 12 mai 2010, les publicitaires ont l'obligation de préciser sous les offres de financement à crédit qu'« un crédit vous engage et doit être remboursé ». Sans déconner... Moi je croyais qu'on me filait les tunes et qu'après, tchao la compagnie ! Bah non. Tout individu contractant un crédit et qui serait dans l'incapacité de le rembourser s'expose à des conséquences fâcheuses : lettres désagréables (pour vous rappeler que vous devez de l'argent, au cas où vous l'auriez oublié), menaces, coups de fils (avec ton de voix qui déconne pas), lettres désagréables avec AR (on vous demande un autographe, vous êtes la star du jour !), autres menaces, autres coups de fils désagréables, nouveau crédit pour rembourser le premier, et puis encore un (parce que jamais deux sans trois), rebelote, huissiers, saisie des biens, saisies sur salaire, dépression, taux d'intérêts exponentiels, esclavage perpétuel, divorce, expulsion, la rue, la merde, la mort, sociale d'abord, puis physique finalement, parce que vivre dans la rue est nuisible pour la santé et affecte fortement votre espérance de vie, et puis refaire surface pour payer des intérêts : quel intérêt ? 

Jusque là, je dis : pourquoi pas ? Allez, de toutes façons c'est un monde de merde, l'argent est roi, Madoff a payé, Kerviel aussi, il y a des lois, on est en démocratie, alors pourquoi pas ? Et puis un mec qui prend un crédit revolving, à 20%, finalement, c'est bien fait pour sa gueule. Il faut être con quelque part  pour prendre un crédit à 20%, non ? Alors c'est bien fait pour leur gueule. Voilà. Et puis on s'en branle. Surtout qu'en général ce sont des pauvres, alors si on les ruine, finalement, ils restent pauvres, rien ne change vraiment pour eux, sauf que leurs gentils organismes de crédit leur auront permis de rêver trois mois, et qu'après, une fois surendettés, ils se rendent utiles : ils donnent leur petite contribution au système bancaire, à coups de taux d'intérêts, ad vitam eternam. Ils font tourner l'économie, avec leurs petits moyens. Et comme ils ont été bien humiliés au préalable, ils seront plus calmes : ils n'auront ni l'envie ni les moyens de se syndicaliser. Et puis ils feront moins de gosses, ça fera de la place, et moins de pauvres sur terre.

Oui, ok, jusque là, pourquoi pas ? Pourquoi pas... Mais ! Car il y a un " mais ! ", évidemment... Oui parce que...

Ok, je comprends qu'on traîne les escrocs et arnaqueurs qui essayent de baiser les banques et les riches devant des tribunaux, qu'on les livre à la vindicte populaire, qu'on les enferme et qu'on les dépouille à vie. Ce sont des salauds : Kerviel, Madoff, au trou. Je comprends qu'on démonte les abrutis qui prennent des crédits revolving à 20% jusqu'à les noyer dans le caniveau, à détruire leur famille et à hypothéquer leur avenir. Ce sont des cons irresponsables, et souvent des pauvres de surcroît : alors poubelle. Mais dans ma grande ouverture d'esprit, je ne comprends pas qu'on ne réserve pas le même sort aux chefs d’État qui contractent des emprunts d’État délirants sur le dos du contribuable, ruinant les finances de leurs pays, obligeant à la liquidation du patrimoine public, plombant la croissance pour des décennies, alourdissant le poids de la fiscalité, hypothéquant le service publique, nuisant au bien commun. Ils font les cons, le peuple paye, personne dit rien. Bizarre, non ? Parce que, non, sans déconner, ces emprunts délirants, ces dettes publiques, elles ne sont pas tombées du ciel, c'est pas Bibi qui les a faites (et pourtant il en fait des choses Bibi !). Ce sont des hommes, faits de chaire et de sang, comme vous et moi, l'irresponsabilité en plus. Et là, c'est double faute. Parce que moi (oui, MOI), quand j'ai envie de m'acheter un truc, et que j'envisage de prendre un crédit, si j'ai pas les moyens, bah je le fais pas. Logique ! Ou alors je cherche à monter en grade pour avoir un meilleur salaire. Et si (allez, soyons fous !), si dans ma grande connerie je décidais de prendre un prêt impossible à rembourser, je n'engagerais que ma responsabilité, à moi : pas celle de mes 65 millions de voisins. Le retour de bâton, bien lourd, ne se ferait que sur moi, et j'assumerais : pas le choix, hein ! Dura lex sed lex.

Et si (allez, soyons encore plus fous !), si j'étais à la tête d'une association de quartier, et si je contractais des emprunts impossibles à rembourser pour acheter du matos classe à l'assoce sans consulter personne, je comprendrais que les autres membres de l'association n'aient pas envie de payer la note. Je comprendrais même qu'ils soient bien énervés contre moi, qu'ils envisagent de me casser ma petite gueule de connard. Moi, à leur place, je ferais pareil. Oui mais alors : alors  pourquoi cette logique se défait-elle lorsqu'on monte à l'échelle d'une collectivité locale, d'une région ou d'un État ? Parce qu'il y avait quand même des gens aux manettes, qui les ont faits, ces budgets déficitaires de merde, non ? Et qui ont contracté ces dettes, vendu les entreprises publiques qui faisaient des bénéfices, sources de revenus (donc de financements) pour l’État (et donc pour la collectivité). Il y a quand même bien quelqu'un qui les a contractés, ces emprunts grecs à 20%, non ? La faute, dans ce cas, n'est pas diluée dans la masse qu'on met à  contribution me semble-t-il. Elle est même, au contraire multipliée par le nombre de contribuables dont on engage la responsabilité et qu'on endette indirectement sur des décennies. Eh bien oui ! Parce que nos hommes politiques jouent aux con, mais en engageant la responsabilité d'un peuple tout entier (eux exceptés). Pourquoi ne traîne-t-on pas nos hommes politiques (dûment identifiés) responsables de la dette publique devant les tribunaux, comme on le fait pour des particuliers, des dirigeants d'associations ou des chefs d'entreprises ? Comme on le fait pour le traders qui bossent pour des banques ! Pour des financiers qui baisent des riches ! Les peuples sont-ils moins importants que les banquiers ou les riches ? Pourquoi les hommes politiques sont les seuls à avoir le droit d'ignorer qu' « un crédit vous engage et doit être remboursé », sans être inquiétés ? Tous les pauvres cons ruinés par des crédits revolving à 20% auraient sûrement plein de trucs super intéressants à nous dire là-dessus. Moi-même, contribuable de classe moyenne surtaxé, j'ai ma petite idée.


Alors oui, le plouc moyen se chie dans le froc chaque fois qu'il regarde le journal télévisé, et moi, avec ma petite gueule de Che Guevara, assis sur ma chaise en bois, je me prends souvent à rêver d'une série de grands procès visant à établir les responsabilités de nos dirigeants dans nos dettes publiques, de condamnations à la Kerviel et à la Madoff pour escroquerie d'Etat (ça les ferait réfléchir, ces connards pédants en costard), pour mauvaise gestion des comptes et du patrimoine publique, pour abus de confiance (parce qu'on vote pour eux, ils sont dépositaires de notre confiance quand même, faut pas déconner !). À l'image du principe « pollueur, payeur », je rêve qu'on impose le principe de « l'emprunteur, payeur » : mais pas la collectivité ! Il n'y a pas 65 millions de signatures sur les papiers contractant les dettes de l’État français. Il n'y a pas la mienne surtout (et pourtant je paye) ! Il n'y en a qu'une ou deux. Que celui qui signe le papier engageant un peuple au remboursement ait des comptes à rendre. Je rêve qu'une faute individuelle ne soit pas à l'origine d'une punition collective : que celui qui s'engage au nom de la collectivité, et qui engage la collectivité, soit responsable devant elle, et devant les créanciers.

mercredi 21 septembre 2011

Ins kino...

 
                                                                                             Mercredi 22 septembre, 23h53

Après avoir sauvé Willy, il faut sauver les banques. Les banques, c'est le soldat Ryan de notre génération.

dimanche 18 septembre 2011

Vive le vent...

                                                                                 Dimanche 18 septembre 2011, 23h35

Depuis un an et demi, je me force à prendre l'air au minimum deux heures par jour. L'idée m'a été inspirée par mon père maçon qui travaillait souvent en extérieur et arborait une mine superbe toute l'année, hiver compris, et par deux amis venus faire du  tourisme à Paname qui ont réussi à prendre des couleurs en février à force de se balader du matin au soir dans les rues. Et ça marche : depuis que je fais ça, on me croit revenu des îles de janvier à décembre. J'ai retrouvé mon teint du Sud, je dors mieux et je suis plus zen. Afin de mettre à profit mon temps en extérieur, je lis pour ma thèse ou je redécouvre mes Classiques. Je me cultive, et le soleil aide à la poussée. La capitale est vaste, et mes points de chute varient.

Depuis mon retour de vacances, je vais tous les jours lire sur les murets qui bordent les terrasses ornées de petites pelouses de l'esplanade des Invalides. Je suis perché sur ces petits murs comme un aigle sur sa branche, deux heures. Le lieu présente plusieurs avantages notables : présence de soleil à toute heure du jour, l'inconfort des murets et la sale gueule de la pelouse crottée démotivent tout parasite potentiel de venir envahir mon petit coin, les Invalides sont plus un lieu de passage qu'un lieu où on s'installe. L'endroit n'est pas "in" : pas de commerces, pas de bars. Les grandes pelouses centrales ne sont envahies qu'aux heures les plus chaudes de l'été : on y voit des cerfs-volants, des couples. Le reste de l'année, la terre est trop humide. Des groupes de mecs y jouent au foot ou au rugby le soir. En septembre, quelques faux beaux-gosses de quarante ans lancent encore leur freesby torse-nus pour impressionner les minettes. Mais sur les pelouses latérales : personne, jamais, hormis un vieux qui vient parfois bronzer en slip, quelques clodos et un gros rat.

L'endroit figure bien dans les guides. Mais les touristes s'arrêtent deux minutes montre en main : ils regardent d'un air niais autour d'eux, se demandent ce qu'ils foutent là. Ils reluquent l'esplanade majestueuse, dominée par le grand dôme doré. Ils se grattent le nez, photographient le pont Alexandre III, la Tour Eiffel, l'hôtel des Invalides, le bâtiment d'Air France... oui oui... la gare de RER... allez comprendre... c'est peut-être à cause du drapeau tricolore qui flotte dessus... ils doivent prendre ça pour un bâtiment officiel... Puis ils passent, tête basse, devant moi, et disparaissent dans la grande ville. Un vrai défilé. Les trois quarts se foutent du musée de l'Armée et de la tombe de Napoléon Ier. L'Empereur, tel un épouvantail, veille sur ma tranquillité depuis le fond de son tombeau.


Aujourd'hui, pour la première fois depuis longtemps, j'ai bougé avant la fin de mon temps de cuisson règlementaire. J'étais dans l'intéressante mais ÉNORME préface du roman Les Déracinés de Barrès. Si on avait pris une photo de moi, on aurait eu l'impression que j'étais tip-top : assis sur l'herbe, au soleil, personne pour me faire chier. Oui mais voilà, ce qu'on n'aurait pas vu sur la photo - car c'est traître une photo : c'est muet et figé ! -, c'est qu'il faisait un vent à décorner les bœufs, à encorner les vaches, et à écorner mon livre : ça soufflait bourrasque et coups de fouets, une sorte de vent glacé venu d'on ne sait où, qui vous glace jusqu'à la moelle des os et qui n'arrête pas de souffler. Le soleil qui perçait à travers de gros nuages ne justifiait pas que je sois là à attendre de me chopper une pneumonie en lisant Barrès et en écoutant du Beethoven.

La grande littérature, la musique classique et mon amour du soleil ne justifient pas tout. À force de souffler, Éole a fini par me gonfler façon montgolfière : alors j'ai levé l'ancre, et je suis rentré chez moi en trottinette, poussé par la brise, inaugurer une boîte de gouaches et du papier achetés il n'y a pas huit jours.

Pot pourri...


                                                                                 Dimanche 18 septembre 2011, 20h20

Il n'est pas nécessaire de lire Hobbes ou quelque autre philosophe européen, ni même de vivre une guerre civile, de voir décapiter un roi, d'ériger une guillotine en place publique ou de faire couler le sang dans les caniveaux pour découvrir que l'homme est un loup pour l'homme. Ce constat, n'importe quel être humain un peu équilibré peut le faire au coin de la rue. En ce qui me concerne, je n'ai même pas eu à passer le pas de la porte. La fin des illusions concernant la nature profonde de l'être humain a commencé chez moi : avec tel membre de ma famille dont je tairai le nom par respect pour moi-même autant que pour lui. Toute la philosophie pessimiste occidentale s'est invitée chez moi à travers un cette personne, qui a essaimé. Véritable Cheval de Troie des Enfers, elle était la personnification du mal : à elle toute seule, la pulsion de mort personnifiée. Le reste du monde était peuplé d'inconnus qui bénéficiaient, dans mon ignorance, de ma bienveillante sympathie : une armée d'amis potentiels, de gens me ressemblant. Parodiant Rimbaud, je pourrais dire que « Je » était Les Autres. Erreur. Chaque personne croisée, au fil de ma vie, m'a forcé à faire le deuil de ces amitiés potentielles. En trente ans, j'ai perdu six milliards d'amis. Aujourd'hui, mon coeur est vêtu de noir, et je suis seul. Dans l'enfance, le monde était bon et fait d'amour, régenté par une autorité cohérente et juste. Le mal était l'exception. Aujourd'hui, l'exception est devenue la règle. La bêtise fait sa loi. Et la courtoisie est morte, quelque part, je ne sais où, dans mon éveil à la réalité. J'en viens même à me demander si elle a véritablement existé comme principe social, hors des rares êtres l'incarnant

Je côtoie péniblement de vils individus, tous les jours, notamment avec mes voisins idiots et bruyants, incapables de se contenir dans leur espace. Ils ne sont que l'archétype, représentant d'un genre humain qui pullule dans nos rues : l'idiot, l'abruti, le bourrin, le boulet, en un mot, le CON (dans le sens péjoratif du terme, évidemment). Parce que ça prend de la place, un con. C'est même à ça qu'on les reconnaît : ça parle fort, ça fait de grands gestes quand ça bouge, quand ça marche dans la rue, ça s'agite, ça écoute son lecteur mp3 à fond dans les espaces confinés, ça ne se pousse jamais sur le trottoir, ça gueule au téléphone, ça claque les portes. Pour compenser le vide assourdissant qui résonne dans son cerveau creux, le con monte le volume, se berce d'un ramdam permanent. Incapable de se sentir vivre par lui-même, de créer ou de s'élever, il compense par le relâchement de la pensée, qui existe en s'effondrant. Stupido ergo sum. Le con s'affirme en parlant mal, en beuglant. Il a la démarche lourde. Le con se réjouit de " foutre le bordel ", d'être " un ouf ". Tout discours un peu raisonné l'ennuie rapidement : son unique neurone surchauffe, et brûle, imprimant un voile vaporeux et opaque à son regard. Le con est ailleurs, n'écoute plus, il a plongé dans le trou noir de son esprit, dans lequel résonne une musique house bas-de-gamme, et il danse. Attention, l'animal est laid intérieurement, mais il n'est pas forcément moche, ou mal habillé. Au contraire. Et c'est trompeur. Il soigne sa présentation parce qu'il existe par postures, comme les affiches publicitaires qui l'ont éduqué et qui lui ont fourni ses modèles. Pour séduire, il prend la pause. Sa vie est une succession d'instants Kodak qui défilent comme dans un mauvais film dont il est le héros. Le con a du mal a appréhender l'humain dans sa plénitude. Autrui est un objet utilitaire, ou une source de distraction. En dehors de cela, il est une gêne, à ignorer. Mais paradoxalement, le con est sociable : la solitude le met face à lui-même, cet abîme, alors il la fuit, et invite sans arrêt d'autres cons. Ils font la fête, " comme des oufs ".

Le jeune est souvent con (parce qu'un poussin sortant de l’œuf, c'est mignon, mais ça a l'air con, et ça piaille). Mais tous les cons ne sont pas jeunes. Le con se décline en tous âges, en toutes tailles, et de toutes les couleurs. La société industrielle le produit en série, à la chaîne, et équipé de haute technologie. Il est l'ambassadeur du vide, partout. Animal social, le con s'étourdit de conversations stériles, qui durent des heures et des heures, sans mener à rien. Il ne supporte pas d'être seul. Face à lui-même, le con est comme un vampire cherchant son reflet dans un miroir qui le lui refuse obstinément. Les yeux de tout être pensant cherchant réellement à communiquer lui font le même effet de miroir : le con se voit dedans, il se cherche, mais ne se trouve définitivement pas. Alors il fuit. Puis, pour être certain qu'il existe, il fait du bruit. Il recommence, encore et encore. Le con se définit par l'espace qu'il occupe, rien d'autre, et qu'il emplit de lui : de vide, mais d'un vide bien lourd, et bruyant.

vendredi 9 septembre 2011

Oh troubles...




 Partant d'une blague, ce blog devient quelque chose de réel. L'idée était de toucher à une matière douloureuse : l'espace publique, et la confrontation à l'autre, via les mots. Ecrire. Sans rien écrire de sérieux. Pour ne rien risquer de perdre. Car j'ai peur qu'on me vole mes idées, mes phrases, mes mots. C'est là le TROUBLE DU COMPORTEMENT de votre humble serviteur. Ce que je suis n'est à moi que dans la mesure où je l'écris. " Les mots sont faits de souffle et le souffle de vie." disait Shakespeare. Et les Arabes ont un proverbe qui dit : " Ce que tu écris te ressemble. " Je suis d'accord avec eux. Je vis d'accord avec eux même. Je ne vis que dans cette mesure. Et dans le même temps, ce que j'écris ne m'appartient plus. C'est à la disposition de tous. Les paroles s'envolent. Les écrits restent, oui, mais ils m'échappent, autant qu'ils restent. Ma langue n'est plus dans ma bouche : elle est sur le papier, sur mon écran, sur ceux des autres, ailleurs. Ils peuvent me la voler, se l'approprier. Je suis écartelé, coupé en morceaux, éparpillé aux quatre vents.


Je n'arrive à rien publier donc. Je vis en moi comme dans une prison. J'ai peur de me faire voler ce que j'écris. La question des droits d'auteur, du plagiat, tous ces fantasmes qui ne sont que des prétextes dont s'habillent mes angoisses, bien réelles, elles. Je n'arrive pas à écrire. Le problème, c'est que moins j'y arrive, plus j'en ai envie, une sorte d'envie obsessionnelle : les idées et les mots se bousculent au portillon, c'est l'embouteillage, et moi, je suis là, avec ma vie à la place du mort, loin, bien loin derrière sur la route, et je me demande ce qu'ils foutent devant, pourquoi c'est bouché, pourquoi ça n'avance pas. Alors je klaxonne, je m'énerve, j'entends ma vie qui me passe sous le nez avec des girofards d'ambulance : elle agonise, bip, bip, biiiiiiiiiiiiip. Elle meurt. Et je ne suis même pas à son chevet !


Donc, la seule solution que j'ai trouvée, c'est d'écrire. Mais pour rire. Pas pour de vrai. D'écrire des trucs nuls, minables, que personne ne me volera. Mais écrire, quand même. Parce que ça me fait trop mal de ne pas entendre le bruit du clavier, mes doigts qui dansent sur les touches, moi qui ne danse nulle part, avec personne. Me voilà donc, pour rire. Le problème, c'est qu'on a tôt fait de se justifier, quand on écrit des bêtises. Trois lignes de conneries, et j'explique déjà que je n'écris rien qui vaille pour qu'on ne puisse pas me le voler. Les mots, disait Fernando Pessoa, ont une existence propre, ils sont une matière. Moi, c'est mon seul trésor. Le contact le plus agréable, le plus respectueux, le plus enrichissant que j'ai eu avec des êtres humains, c'est par le biais de livres, par le biais de mots. C'est à travers eux, et d'eux uniquement, que j'ai pris la mesure de la profondeur, de la bonté et de l'intelligence humaine.

Qu'est-ce que c'est que ce blog ? J'écris pour dire que je n'arrive pas à écrire.

C'est aussi bête et ridicule que cela.

Mauvais augure...

                                                                                        Vendredi 9 septembre 2011, 3h17

Aller chez le médecin est toujours une épreuve pour moi. D'avance, je sais que la consultation se clôturera sur une série de troubles du comportement fatigants, répétitifs, usants : dix ans de travaux forcés à casser des cailloux dans la cage aux angoisses m'ont rendu familier de cet autre « Moi » qui se débat comme il peut dans son enfer personnel, mon corps, cette prison, dont il prend le contrôle pour exorciser ses malédictions avec des gestes étranges : sorcier d'un genre nouveau, j'aurai passé la moitié de ma vie à me battre avec mes fantômes, à me laver de la laideur du monde qui m'entoure, de la jalousie, de la haine, de la mesquinerie, seul, toujours désespérément et totalement seul.

Car c'est là l'un des grands objets de mes rituels : me débarrasser des autres. Les tenir à distance, loin de moi. Je me débats sous des vagues violence qui s'abattent sur moi à défaut de s'abattre sur ceux qui les soulèvent : je protège - bien involontairement - ceux qui me qualifient de fou. Parce que je suis un être trop civilisé pour rendre œil pour œil et dent pour dent le mal qu'on me fait, on me dit aliéné ; je suis rayé du bottin mondain, mis à l'index, POINTE DU DOIGT, regardé de travers, effacé de la réalité. Je suis un gentilhomme trop éduqué dans la cage aux fous, et mes camarades de détention ont décidé de me lyncher. Quant à mes amis : au premier trou dans la coque, les rats ont quitté le navire.

Ces derniers jours, j'ai croisé beaucoup de cons, en particulier dans mes démarches en quincaillerie*. Je suis du genre paranoïaque, et je le sais. Je crois voir derrière chaque être humain un ennemi mortel. Je tâche donc de me raisonner, et de ne pas prendre toute réponse bête, toute incompétence flagrante, tout manque de bonne volonté, toute attitude mesquine ou tout regard désagréable contre moi. ça a été très difficile dans les premiers temps, et ça le reste souvent. Les gens bien supposent toujours l'existence chez l'autre d'un être affable, courtois, bien éduqué, et ayant un haut sens du bien commun, à tort, bien évidemment, puisque quatre-vingt dix pourcents des êtres qui nous entourent sont des névrosés narcissiques, des crétins malpolis, sales, limités, mesquins, complexés donc agressifs, manquant totalement de sensibilité, débordant sur l'espace des autres, indifférents, obsédés par leur petite personne, par l'idée de plaire, d'être aimés, ou de baiser, frustrés vides couverts d'un vernis superficiel. Bref : les cons se donnent une contenance, et ils vivent. Ils sont partout autour de nous.

La grande ville, dans laquelle on croise en permanence des inconnus à qui on n'aura pas de comptes à rendre, parce que la probabilité de les recroiser est quasi nulle, est leur royaume. La grande ville débride la connerie : les cons se sentent pousser des ailes à l'abri de l'anonymat, au milieu de la foule. Ils sont malpolis, polluent, insultent, bousculent, nuisent, fraudent, regardent avec insistance, lorgnent, reluquent, tripotent, trépignent, enfreignent la loi. Ils se sentent comme des cochons dans une immense mer de fange, et se roulent allègrement dedans, à l'abri de tout jugement et du bâton du fermier. Au jour d'aujourd'hui, je ne me demande plus : « pourquoi les cons sont cons ? ». Et surtout, SURTOUT, je ne cherche plus la réponse en moi. Non, ça n'est pas de ma faute. Il y a des cons dans l'absolu, et ceux qui le sont avec moi le sont à plus forte raison, étant donné que je suis quelqu'un de bien. Si je commence à me pencher sur chaque con pour comprendre pourquoi il est con, j'y passe ET j'y perds ma vie. Je préfère passer mon tour. La médiocrité et la petitesse des autres leur appartiennent, je leur laisse ça volontiers sans m'en charger le dos.

Après mon rendez-vous chez le médecin, j'ai décidé de rentrer à pied pour me détendre. Tout ne s'est pas exactement déroulé comme prévu : un bus fou a essayé de m'écraser, volontairement : il a accéléré en me dévisageant pendant que je marchais tranquillement sur les clous. Après cet épisode fâcheux, j'ai décidé de basculer vers les bords de Seine. En général, l'eau me détend, et il y a moins de monde. Je suis tombé sur un cygne blanc mort et à moitié en décomposition dans l'écluse qui relie le fleuve aux canaux de Bastille. Plus loin, sur les quais, j'ai croisé un pigeon mort sans tête. Je ne suis pas superstitieux, mais si je l'étais, j'aurais dit que tout ceci était de mauvais augure. Ma promenade m'a abattu. Les bords de Seine étaient imbibés d'urine, couverts de déchets, hantés de gens louches. L'épisode du bus m'avait déjà rendu mélancolique : le reste du chemin a fini de détacher la colique de mon humeur mêlant...  solitude et envie d'ailleurs : pof, une grosse bouse, c'est le monde, là, face à moi. La laideur me fait l'effet d'un crachat sur le visage. J'ai fini ma promenade dans une ville grise, sous un ciel gris, triste, comme ma journée, et comme moi.

* ça doit les attirer : le con est bricoleur, il doit avoir la fibre quincaillère, et finit vendeur ou caissier chez Leroy-Merlin ou au BHV.

mardi 6 septembre 2011

Ma petite VDM perso...

 
Aujourd'hui, une voisine nous a demandé de garder son poisson rouge pendant les vacances. Le bocal profond le mettait théoriquement à l'abri de notre chat qui a une sainte horreur de se mouiller les pattes. Mais notre chat est malin. Il a contourné le problème. Pour pouvoir attraper le poisson sans se mouiller, il a bu toute l'eau du bocal. VDM.

dimanche 4 septembre 2011

Boîte de nuit, boîte d'allumettes...

 
- Allumeur.

- Allumette!

- Gratte-moi.

- Ah non ! Toute allumette, une fois grattée, devient une allumeuse en puissance.

Morose...


                                                                         Dimanche 4 septembre, 5h09

Je me sens morose. J'ai besoin d'un mot rose, BISOU, AMOUR, pour chasser mon blues.

Des outils et des hommes...

 
Autrefois, les Argonautes. Aujourd'hui, les Internautes.

Une civilisation tient à ses outils, pas aux hommes qui la composent. Sans ses outils, l'homme revient à l'état de barbarie.

Autrefois, les internats. Aujourd'hui, c'est Internet.

Plus une civilisation atteint un degré de complexité élevé, plus les hommes sont dépendants des outils et des technologies qui la structurent. L'effondrement de la maîtrise des outils entraîne un retour à l'âge de pierre.


Les asiles, les internés. Internet, un asile ?

Civilisation du feu, civilisations Antiques, médiévales, civilisations modernes, civilisation industrielle, civilisation de l'Internet et de la micro-informatique : toute civilisation porte en elle une part d'aliénation inhérente à ce dont on abdique pour profiter de ses bienfaits.