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mercredi 31 mars 2021

Nuit sans sommeil...

 Nuit sans sommeil le jour arrive
il va bien falloir que je vive
Je vois partout mes rêves morts
Navires sans ports
A la dérive
dans des mers sans rivages
Silhouettes d'êtres sans visages
Qui hantent les rues de ma ville
Et qui me dévisagent.

Ma vie est une porte sans seuil
Ma vie est une femme en deuil
Seul me voit le mauvais œil
Sous la loi de la destinée
Naitre seul, vivre seul, mourir seul.
Tous les êtres qu'on a aimés,
Les beaux projets qu'on a portés,
Disparaissent tous en fumée.
Et tout bonheur est un écueil.

                      * 

 quand je bois le vin de la lune
en dansant sur ma propre tombe
ma face tombe
dans la bouteille
moi j'avale mon infortune

La lune est le cul de bouteille
de ces nuits blanches
où je m'épanche
miroir des veilles
désespérées
où je me vois à mon réveil
visage blanc
vague et tremblant
resté la veille

dans le ciel bleu la lune luit
œil de la nuit
toujours ouvert
œil blanc de Dieu
rêvant ma vie
je rêve aussi
rien ne m'éveille

lundi 29 mars 2021

Le pointillisme de Signac est le seul qui ait sa raison d'être...

J'ai toujours été très hermétique au pointillisme, que je trouve trop artificiel, mais les toiles de Signac me touchent. Il parvient à utiliser sa technique pointilliste pour complexifier ses effets. Contrairement à ce que l'on observe chez beaucoup de pointillistes, sa technique est mise au service de la couleur et de la lumière, donc de la sensation, et pas l'inverse. Ce n'est pas qu'un "truc" d'école, sorte de fin en soi, mais un moyen. Son pointillisme est un outil qui permet d'ouvrir plus large les portes de la perception, d'explorer mieux les sensations. Son pointillisme est un langage neuf qui permet de dire une certaine facette de l'homme et du monde.
Et par le rendu esthétique singulier, les effets et les émotions uniques qu'il retranscrit, cela le rend légitime dans beaucoup de ses toiles, ayant dès lors sa raison d'être.
Pour moi, il est l'un des seuls à avoir compris réellement l'intérêt de cette technique, qu'il a fondée, et il sauve à lui seul le mouvement. Il est en ainsi pour le pointillisme comme pour beaucoup d'écoles (et même de religions, à commencer par par le christianisme), qui souvent ne valent que par leur fondateur.


 

La plus belle toile de Signac est pour moi Le Grand Canal à Venise. Le paysage s'y redéploie dans ce langage neuf, situé hors de la réalité, mais que l'on comprend immédiatement.
Les tons jaunes et roses pâles du ciel qui colorent les dômes et monuments de la ville, les eaux du grand canal, imprégnées de soleil, avec des reflets uniques, melant les lumières du canal et les ombres des gondoles et des bateliers : tout est beau, fin, subtile.
Le soleil, qui est partout, sans être nulle part dans la toile, défait le paysage en confettis. L'ensemble du canal est soumis à
une sensation kaléïdoscopique de lumière, d'ombres, de reflets et de couleurs qui se décomposent sous son effet, sans jamais lui faire perdre de sa lisibilité. C'est du Turner, avec de la magie et un air de fête en plus, qui suspendent le paysage hors du temps, éternellement vivant dans son émotion. Par sa technique pointilliste, Signac imprime juste ce qu'il faut de dérèglement aux sens pour nous placer aux frontières de l'hallucination et du rêve : il utilise la réalité comme un prétexte pour nous faire basculer vers la sensation pure. L'âme pour l'âme.


Notre-Dame-de-La-Garde, Paul Signac, 1906. Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis.

Notre-Dame-de-La-Garde, peinte un an plus tard, transpose dans le port de Marseille cette sensation kaléïdoscopique de lumière, d'ombres, de reflets et de couleurs qui se décomposent, et elle l'étend cette fois aux navires ancrés dans la rade, devant la basilique qui n'est plus qu'une silhouette vague à force de se défaire dans une brume de lumière mélancolique.

Capo di Noli, Paul Signac, 1898. Wallraf–Richartz Museum, Cologne, Allemagne.

Cap de Naples reprend le même procédé de dereglement des sens et de fragmentation du réel mais avec des couleurs plus vives, plus chaudes. On sent en regardant cette toile la chaleur écrasante du soleil d'été aviver les couleurs des rives de la Méditerranée et les faire papilloter dans nos yeux. On la sent omniprésente, imprégner et décomposer en confettis l'eau bleue, le sol, les arbres, le ciel et les navires.

La Calanque, Paul Signac, 1906. Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles.

La Femme et le Dragon...

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Beatus d'Osma, manuscrit enluminé contenant un commentaire de l'Apocalypse de Beatus de Liébana, vers 1086 (71 enluminures mélangeant les styles ibériques mozarabes et romans). Conservé dans le trésor de la cathédrale d'El Burgo de Osma, f°117v : "La Femme et le Dragon".

Le prix des choses...

[Paris, Lundi 29 mars 2021.] 

On ne mesure réellement le prix que de ce qui nous a manqué ou nous manque.
Et surtout de ce que l'on a possédé et perdu.

Le cadre, le portrait et l'être...

 [Paris, 28 mars 2021.]

Pour autant que j'aie pu le mesurer, le succès d'un individu réside pour l'essentiel dans sa capacité à se cadrer.
Bien entendu, je ne possède pas cette capacité. C'est pourquoi ma vie est un fiasco.

L'impatient...

[Paris, Lundi 29 mars 2021.]

En médecine, le malade qui commence à se soigner est nommé "patient", parce que la première vertu pour guérir, c'est la patience.
Longtemps, pressé par les nécessités de la vie et l'envie de vivre, je ne l'ai pas accepté, et mes médecins et ma psychanalyste auraient pu dire de moi sans mentir que j'étais leur "impatient".

jeudi 4 mars 2021

Francisco Smith (peintre portugais, 1881-1961)

 

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Francisco Smith, Uma praça de Portugal [Une place du Portugal].
Collection privée.

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Francisco Smith, Saint Germain-des-Prés.
Musée Calouste Gulbenkian.

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 Francisco Smith, Cena de Portugal [Scène du Portugal].
Collection privée, Londres.

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Francisco Smith, Sem título [Sans titre].
Collection privée.

 

Sá Nogueira (peintre de la troisième génération moderniste portugaise, 1921-2002)

 

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Sá Nogueira, O recém-chegado [Le dernier venu], 1965.

 

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Sá Nogueira, O pescador [Le pêcheur], 1958.


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Sá Nogueira, Sem título [Sans titre], 1960.

 

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Sá Nogueira, Café, 1960.

lundi 1 mars 2021

Toc toc...


Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate
Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate

Le véritable enfer est celui qu'on porte en nous et nous consume de l'intérieur.
Les personnes qui n'en souffrent pas ne peuvent pas imaginer la violence que constitue le fait d'avoir des tocs, de vrais tocs en pathologie psychiatrique, en particulier des tocs d'hygiène et de contact.

De l'extérieur les gens voient ça sous le prisme de l'anecdote ou de la moquerie, ou banalisent ça à toutes leurs petites manies de la vie. "J'ai un toc", disent-ils pour parler d'un automatisme ou moquer une habitude.
Les vrais tocs ne sont pas de ce ressort. Les vrais tocs sont une maladie, une maladie psychiatrique lourde, d'une brutalité inouïe, qui brise totalement un être. Dans son essence même.
C'est une broyeuse, qui transforme le corps en chambre de torture. Aucune des violences ou souffrances que j'ai subies dans ma vie avant d'en être atteint - et pourtant Dieu sait que j'en ai subies, physiques et psychologiques - ne s'en rapproche. Mème de très loin.
La vie avec cette plaie consiste en une fuite permanente des éléments déclencheurs. Jusqu'à fuir tout et tout le monde, et se perdre dans une solitude absolue.
Et quand la broyeuse se met en route, il n'y a rien ni personne à qui se raccrocher. Il faut subir, être laminé intérieurement. Encore et encore.
Comme si on nous brisait. Muscles tendus jusqu'à la crampe, respiration coupée, gorge si serrée qu'on n'arrive plus à avaler sa salive ou parler, sensation qu'on nous broie les os, qu'on nous comprime le cœur jusqu'à le faire exploser à chaque battement.
Dans ces moments, toute la violence dont l'être est capable se retourne contre lui-même. Sans possibilité de l'arrêter. Cela engloutit toutes ses forces de vie, toute sa pensée. Toute l'âme devient souffrance. Chaque crise est une annihilation de l'être. On est paralysé, avec une douleur qui irradie dans tout le corps, jusqu'au cerveau, comme avec la sensation qu'on nous éviscère, qu'on nous écorche vifs, qu'on nous arrache à nous-mêmes, qu'une lame nous traverse le ventre et la tête à chaque seconde, et qu'on nous vide de nous-mêmes.
Ces crises répétées au quotidien, plusieurs fois par jour, pendant des années, finissent par transformer l'être le plus vif en spectre, en  mort-vivant, ombre de lui-même, machine tout juste bonne à souffrir, constamment terrorisé par tout ce qui pourrait réveiller le bourreau en lui, c'est-à-dire tout. On finit par ne plus vivre que dans la terreur, la terreur de soi, et du monde.
Je ne sais pas pourquoi j'écris ça. Peut-être par besoin de pousser un cri de douleur silencieux depuis l'intérieur de cette broyeuse. Alors qu'elle tourne à plein régime depuis deux heures, deux heures qui durent en fait depuis vingt ans.
Parce que ces mots misérables sont tout ce qui reste. Mème si je sais que ça ne sert à rien.
Peut-être d
ans l'espoir stupide qu'un Dieu miséricordieux m'entendra et me sauvera de moi-même, ce même Dieu qui m'a créé ainsi.
Peut-être aussi pour que nos frères et sœurs humains qui ne le vivent pas n'aient "contre nous les cœurs trop endurcis", et portent sur nous un regard bienveillant.