Mercredi 22 septembre, 22h08
CHÔMAGE, PRÉCARITÉ, FIN DE LA CROISSANCE, DETTE, RECAPITALISATION DES BANQUES, FAILLITE DES BANQUES, DES ÉTATS, CRISES SYSTÉMIQUE GLOBALE, FIN DU CAPITALISME, IMPLOSION DE L'EURO, FIN DE L'EUROPE.
C'est la fin du monde ! Le système va imploser ! Le plouc moyen se chie dans le froc chaque fois qu'il regarde le journal télévisé. Quid de notre petit confort ? De l'avenir de nos enfants ? Comment va-t-on faire pour acheter le prochain i-pod ? Payer notre abonnement Internet ? Pour le chauffage l'hiver ? L'essence, les assurances, les factures, la mutuelle, les lunettes, les dents ? Finis les pulls en Cachemire ? Les fringues de marque ? Qui paiera ? La merde... On nous parle d'économie comme de la météo : et il fait froid. Temps de merde sur l'Occident. Nous sommes les jouets d'un système qui nous échappe, et qu'on finance. La vilaine crise est là, sortie de nulle part, de partout : tous coupables, la France vivait au-dessus de ses moyens, la faute à Pierre, Paul, Jacques, aux Chinois, au FMI, aux étrangers, aux Conti, à Sarko, à Strauss-Khan, à vous, à moi, à lui (à lui surtout). Demain, un cyclone financier arrive à l'ouest et va vous emporter : veuillez fermer vos fenêtres et serrer les fesses. Les Indiens font des Tata, les Chinetocs se fendent la poire. Oui, ok, bon, mais... Quelque chose m'échappe dans l'actualité, et me laisse un goût étrange dans la bouche : amère, mais pas comme les oranges. Quelque chose comme un goût de merde, un genre de sentiment de foutage de gueule généralisé, qu'on nous prend pour des cons : moi ! un con ! Vous ! Non ! Tous ces chiffres, ces milliards, tous les soirs, qui virevoltent, au vingt heures, pendant la grande messe, comme la fumée d'encens des églises, et moi, ivre des vapeurs, du vin du calice. Je titube, je tombe. Ma tête raisonne en touchant le plancher : No Futur. Et puis je me relève, assommé. Je repense à mon métier de merde, au monde. Je me rechie dans le froc : ça pue. Alors en bon petit plouc que je suis, je m'assieds derrière mon clavier et je tapote sur mon blog de merde, tout énervé. Voici comment la chose se présente (c'est décousu, attention) :
Le 9 juin 2009, Bernard Madoff a été condamné à cent cinquante ans de prison pour escroquerie financière à grande échelle (je sais, ça n'a rien à voir en apparence, mais en fait si, il faut me suivre jusqu'au bout). Le 5 octobre 2010, Jérôme Kerviel a été condamné à cinq ans de prison et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts pour « faux, usage de faux, abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique » (non, il n'a pas tué le Christ, juste baisé sa banque). Vous le constatez comme moi, les sanctions qu'on inflige aux petits enculés qui essayent de baiser les riches ou les banques sont à la hauteur de leur faute. Cent cinquante ans de prison, quatre milliards d'euros : ils ont du avoir mal au cul quand c'est tombé. Ils l'ont eue bien profonde. Et bah ils l'ont cherché. Et ils peuvent s'estimer heureux qu'on ne les fouette pas en place publique. C'est vrai, bordel, c'est important de protéger les riches et les banques. On déconne pas avec ça.
Depuis le 12 mai 2010, les publicitaires ont l'obligation de préciser sous les offres de financement à crédit qu'« un crédit vous engage et doit être remboursé ». Sans déconner... Moi je croyais qu'on me filait les tunes et qu'après, tchao la compagnie ! Bah non. Tout individu contractant un crédit et qui serait dans l'incapacité de le rembourser s'expose à des conséquences fâcheuses : lettres désagréables (pour vous rappeler que vous devez de l'argent, au cas où vous l'auriez oublié), menaces, coups de fils (avec ton de voix qui déconne pas), lettres désagréables avec AR (on vous demande un autographe, vous êtes la star du jour !), autres menaces, autres coups de fils désagréables, nouveau crédit pour rembourser le premier, et puis encore un (parce que jamais deux sans trois), rebelote, huissiers, saisie des biens, saisies sur salaire, dépression, taux d'intérêts exponentiels, esclavage perpétuel, divorce, expulsion, la rue, la merde, la mort, sociale d'abord, puis physique finalement, parce que vivre dans la rue est nuisible pour la santé et affecte fortement votre espérance de vie, et puis refaire surface pour payer des intérêts : quel intérêt ?
Jusque là, je dis : pourquoi pas ? Allez, de toutes façons c'est un monde de merde, l'argent est roi, Madoff a payé, Kerviel aussi, il y a des lois, on est en démocratie, alors pourquoi pas ? Et puis un mec qui prend un crédit revolving, à 20%, finalement, c'est bien fait pour sa gueule. Il faut être con quelque part pour prendre un crédit à 20%, non ? Alors c'est bien fait pour leur gueule. Voilà. Et puis on s'en branle. Surtout qu'en général ce sont des pauvres, alors si on les ruine, finalement, ils restent pauvres, rien ne change vraiment pour eux, sauf que leurs gentils organismes de crédit leur auront permis de rêver trois mois, et qu'après, une fois surendettés, ils se rendent utiles : ils donnent leur petite contribution au système bancaire, à coups de taux d'intérêts, ad vitam eternam. Ils font tourner l'économie, avec leurs petits moyens. Et comme ils ont été bien humiliés au préalable, ils seront plus calmes : ils n'auront ni l'envie ni les moyens de se syndicaliser. Et puis ils feront moins de gosses, ça fera de la place, et moins de pauvres sur terre.
Oui, ok, jusque là, pourquoi pas ? Pourquoi pas... Mais ! Car il y a un " mais ! ", évidemment... Oui parce que...
Ok, je comprends qu'on traîne les escrocs et arnaqueurs qui essayent de baiser les banques et les riches devant des tribunaux, qu'on les livre à la vindicte populaire, qu'on les enferme et qu'on les dépouille à vie. Ce sont des salauds : Kerviel, Madoff, au trou. Je comprends qu'on démonte les abrutis qui prennent des crédits revolving à 20% jusqu'à les noyer dans le caniveau, à détruire leur famille et à hypothéquer leur avenir. Ce sont des cons irresponsables, et souvent des pauvres de surcroît : alors poubelle. Mais dans ma grande ouverture d'esprit, je ne comprends pas qu'on ne réserve pas le même sort aux chefs d’État qui contractent des emprunts d’État délirants sur le dos du contribuable, ruinant les finances de leurs pays, obligeant à la liquidation du patrimoine public, plombant la croissance pour des décennies, alourdissant le poids de la fiscalité, hypothéquant le service publique, nuisant au bien commun. Ils font les cons, le peuple paye, personne dit rien. Bizarre, non ? Parce que, non, sans déconner, ces emprunts délirants, ces dettes publiques, elles ne sont pas tombées du ciel, c'est pas Bibi qui les a faites (et pourtant il en fait des choses Bibi !). Ce sont des hommes, faits de chaire et de sang, comme vous et moi, l'irresponsabilité en plus. Et là, c'est double faute. Parce que moi (oui, MOI), quand j'ai envie de m'acheter un truc, et que j'envisage de prendre un crédit, si j'ai pas les moyens, bah je le fais pas. Logique ! Ou alors je cherche à monter en grade pour avoir un meilleur salaire. Et si (allez, soyons fous !), si dans ma grande connerie je décidais de prendre un prêt impossible à rembourser, je n'engagerais que ma responsabilité, à moi : pas celle de mes 65 millions de voisins. Le retour de bâton, bien lourd, ne se ferait que sur moi, et j'assumerais : pas le choix, hein ! Dura lex sed lex.
Et si (allez, soyons encore plus fous !), si j'étais à la tête d'une association de quartier, et si je contractais des emprunts impossibles à rembourser pour acheter du matos classe à l'assoce sans consulter personne, je comprendrais que les autres membres de l'association n'aient pas envie de payer la note. Je comprendrais même qu'ils soient bien énervés contre moi, qu'ils envisagent de me casser ma petite gueule de connard. Moi, à leur place, je ferais pareil. Oui mais alors : alors pourquoi cette logique se défait-elle lorsqu'on monte à l'échelle d'une collectivité locale, d'une région ou d'un État ? Parce qu'il y avait quand même des gens aux manettes, qui les ont faits, ces budgets déficitaires de merde, non ? Et qui ont contracté ces dettes, vendu les entreprises publiques qui faisaient des bénéfices, sources de revenus (donc de financements) pour l’État (et donc pour la collectivité). Il y a quand même bien quelqu'un qui les a contractés, ces emprunts grecs à 20%, non ? La faute, dans ce cas, n'est pas diluée dans la masse qu'on met à contribution me semble-t-il. Elle est même, au contraire multipliée par le nombre de contribuables dont on engage la responsabilité et qu'on endette indirectement sur des décennies. Eh bien oui ! Parce que nos hommes politiques jouent aux con, mais en engageant la responsabilité d'un peuple tout entier (eux exceptés). Pourquoi ne traîne-t-on pas nos hommes politiques (dûment identifiés) responsables de la dette publique devant les tribunaux, comme on le fait pour des particuliers, des dirigeants d'associations ou des chefs d'entreprises ? Comme on le fait pour le traders qui bossent pour des banques ! Pour des financiers qui baisent des riches ! Les peuples sont-ils moins importants que les banquiers ou les riches ? Pourquoi les hommes politiques sont les seuls à avoir le droit d'ignorer qu' « un crédit vous engage et doit être remboursé », sans être inquiétés ? Tous les pauvres cons ruinés par des crédits revolving à 20% auraient sûrement plein de trucs super intéressants à nous dire là-dessus. Moi-même, contribuable de classe moyenne surtaxé, j'ai ma petite idée.
Alors oui, le plouc moyen se chie dans le froc chaque fois qu'il regarde le journal télévisé, et moi, avec ma petite gueule de Che Guevara, assis sur ma chaise en bois, je me prends souvent à rêver d'une série de grands procès visant à établir les responsabilités de nos dirigeants dans nos dettes publiques, de condamnations à la Kerviel et à la Madoff pour escroquerie d'Etat (ça les ferait réfléchir, ces connards pédants en costard), pour mauvaise gestion des comptes et du patrimoine publique, pour abus de confiance (parce qu'on vote pour eux, ils sont dépositaires de notre confiance quand même, faut pas déconner !). À l'image du principe « pollueur, payeur », je rêve qu'on impose le principe de « l'emprunteur, payeur » : mais pas la collectivité ! Il n'y a pas 65 millions de signatures sur les papiers contractant les dettes de l’État français. Il n'y a pas la mienne surtout (et pourtant je paye) ! Il n'y en a qu'une ou deux. Que celui qui signe le papier engageant un peuple au remboursement ait des comptes à rendre. Je rêve qu'une faute individuelle ne soit pas à l'origine d'une punition collective : que celui qui s'engage au nom de la collectivité, et qui engage la collectivité, soit responsable devant elle, et devant les créanciers.
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