Le véritable enfer est celui qu'on porte en nous et nous consume de l'intérieur.
Les personnes qui n'en souffrent pas ne peuvent pas imaginer la violence que constitue le fait d'avoir des tocs, de vrais tocs en pathologie psychiatrique, en particulier des tocs d'hygiène et de contact.
De l'extérieur les gens voient ça sous le prisme de l'anecdote ou de la moquerie, ou banalisent ça à toutes leurs petites manies de la vie. "J'ai un toc", disent-ils pour parler d'un automatisme ou moquer une habitude.
Les vrais tocs ne sont pas de ce ressort. Les vrais tocs sont une maladie, une maladie psychiatrique lourde, d'une brutalité inouïe, qui brise totalement un être. Dans son essence même.
C'est une broyeuse, qui transforme le corps en chambre de torture. Aucune des violences ou souffrances que j'ai subies dans ma vie avant d'en être atteint - et pourtant Dieu sait que j'en ai subies, physiques et psychologiques - ne s'en rapproche. Mème de très loin.
La vie avec cette plaie consiste en une fuite permanente des éléments déclencheurs. Jusqu'à fuir tout et tout le monde, et se perdre dans une solitude absolue.
Et quand la broyeuse se met en route, il n'y a rien ni personne à qui se raccrocher. Il faut subir, être laminé intérieurement. Encore et encore.
Comme si on nous brisait. Muscles tendus jusqu'à la crampe, respiration coupée, gorge si serrée qu'on n'arrive plus à avaler sa salive ou parler, sensation qu'on nous broie les os, qu'on nous comprime le cœur jusqu'à le faire exploser à chaque battement.
Dans ces moments, toute la violence dont l'être est capable se retourne contre lui-même. Sans possibilité de l'arrêter. Cela engloutit toutes ses forces de vie, toute sa pensée. Toute l'âme devient souffrance. Chaque crise est une annihilation de l'être. On est paralysé, avec une douleur qui irradie dans tout le corps, jusqu'au cerveau, comme avec la sensation qu'on nous éviscère, qu'on nous écorche vifs, qu'on nous arrache à nous-mêmes, qu'une lame nous traverse le ventre et la tête à chaque seconde, et qu'on nous vide de nous-mêmes.
Ces crises répétées au quotidien, plusieurs fois par jour, pendant des années, finissent par transformer l'être le plus vif en spectre, en mort-vivant, ombre de lui-même, machine tout juste bonne à souffrir, constamment terrorisé par tout ce qui pourrait réveiller le bourreau en lui, c'est-à-dire tout. On finit par ne plus vivre que dans la terreur, la terreur de soi, et du monde.
Je ne sais pas pourquoi j'écris ça. Peut-être par besoin de pousser un cri de douleur silencieux depuis l'intérieur de cette broyeuse. Alors qu'elle tourne à plein régime depuis deux heures, deux heures qui durent en fait depuis vingt ans. Parce que ces mots misérables sont tout ce qui reste. Mème si je sais que ça ne sert à rien.
Peut-être dans l'espoir stupide qu'un Dieu miséricordieux m'entendra et me sauvera de moi-même, ce même Dieu qui m'a créé ainsi.
Peut-être aussi pour que nos frères et sœurs humains qui ne le vivent pas n'aient "contre nous les cœurs trop endurcis", et portent sur nous un regard bienveillant.
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