Nombre total de pages vues

dimanche 18 septembre 2011

Pot pourri...


                                                                                 Dimanche 18 septembre 2011, 20h20

Il n'est pas nécessaire de lire Hobbes ou quelque autre philosophe européen, ni même de vivre une guerre civile, de voir décapiter un roi, d'ériger une guillotine en place publique ou de faire couler le sang dans les caniveaux pour découvrir que l'homme est un loup pour l'homme. Ce constat, n'importe quel être humain un peu équilibré peut le faire au coin de la rue. En ce qui me concerne, je n'ai même pas eu à passer le pas de la porte. La fin des illusions concernant la nature profonde de l'être humain a commencé chez moi : avec tel membre de ma famille dont je tairai le nom par respect pour moi-même autant que pour lui. Toute la philosophie pessimiste occidentale s'est invitée chez moi à travers un cette personne, qui a essaimé. Véritable Cheval de Troie des Enfers, elle était la personnification du mal : à elle toute seule, la pulsion de mort personnifiée. Le reste du monde était peuplé d'inconnus qui bénéficiaient, dans mon ignorance, de ma bienveillante sympathie : une armée d'amis potentiels, de gens me ressemblant. Parodiant Rimbaud, je pourrais dire que « Je » était Les Autres. Erreur. Chaque personne croisée, au fil de ma vie, m'a forcé à faire le deuil de ces amitiés potentielles. En trente ans, j'ai perdu six milliards d'amis. Aujourd'hui, mon coeur est vêtu de noir, et je suis seul. Dans l'enfance, le monde était bon et fait d'amour, régenté par une autorité cohérente et juste. Le mal était l'exception. Aujourd'hui, l'exception est devenue la règle. La bêtise fait sa loi. Et la courtoisie est morte, quelque part, je ne sais où, dans mon éveil à la réalité. J'en viens même à me demander si elle a véritablement existé comme principe social, hors des rares êtres l'incarnant

Je côtoie péniblement de vils individus, tous les jours, notamment avec mes voisins idiots et bruyants, incapables de se contenir dans leur espace. Ils ne sont que l'archétype, représentant d'un genre humain qui pullule dans nos rues : l'idiot, l'abruti, le bourrin, le boulet, en un mot, le CON (dans le sens péjoratif du terme, évidemment). Parce que ça prend de la place, un con. C'est même à ça qu'on les reconnaît : ça parle fort, ça fait de grands gestes quand ça bouge, quand ça marche dans la rue, ça s'agite, ça écoute son lecteur mp3 à fond dans les espaces confinés, ça ne se pousse jamais sur le trottoir, ça gueule au téléphone, ça claque les portes. Pour compenser le vide assourdissant qui résonne dans son cerveau creux, le con monte le volume, se berce d'un ramdam permanent. Incapable de se sentir vivre par lui-même, de créer ou de s'élever, il compense par le relâchement de la pensée, qui existe en s'effondrant. Stupido ergo sum. Le con s'affirme en parlant mal, en beuglant. Il a la démarche lourde. Le con se réjouit de " foutre le bordel ", d'être " un ouf ". Tout discours un peu raisonné l'ennuie rapidement : son unique neurone surchauffe, et brûle, imprimant un voile vaporeux et opaque à son regard. Le con est ailleurs, n'écoute plus, il a plongé dans le trou noir de son esprit, dans lequel résonne une musique house bas-de-gamme, et il danse. Attention, l'animal est laid intérieurement, mais il n'est pas forcément moche, ou mal habillé. Au contraire. Et c'est trompeur. Il soigne sa présentation parce qu'il existe par postures, comme les affiches publicitaires qui l'ont éduqué et qui lui ont fourni ses modèles. Pour séduire, il prend la pause. Sa vie est une succession d'instants Kodak qui défilent comme dans un mauvais film dont il est le héros. Le con a du mal a appréhender l'humain dans sa plénitude. Autrui est un objet utilitaire, ou une source de distraction. En dehors de cela, il est une gêne, à ignorer. Mais paradoxalement, le con est sociable : la solitude le met face à lui-même, cet abîme, alors il la fuit, et invite sans arrêt d'autres cons. Ils font la fête, " comme des oufs ".

Le jeune est souvent con (parce qu'un poussin sortant de l’œuf, c'est mignon, mais ça a l'air con, et ça piaille). Mais tous les cons ne sont pas jeunes. Le con se décline en tous âges, en toutes tailles, et de toutes les couleurs. La société industrielle le produit en série, à la chaîne, et équipé de haute technologie. Il est l'ambassadeur du vide, partout. Animal social, le con s'étourdit de conversations stériles, qui durent des heures et des heures, sans mener à rien. Il ne supporte pas d'être seul. Face à lui-même, le con est comme un vampire cherchant son reflet dans un miroir qui le lui refuse obstinément. Les yeux de tout être pensant cherchant réellement à communiquer lui font le même effet de miroir : le con se voit dedans, il se cherche, mais ne se trouve définitivement pas. Alors il fuit. Puis, pour être certain qu'il existe, il fait du bruit. Il recommence, encore et encore. Le con se définit par l'espace qu'il occupe, rien d'autre, et qu'il emplit de lui : de vide, mais d'un vide bien lourd, et bruyant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire